RENCONTRE AVEC PASCAL MATHIEU Crédit photo ( Lin Delpierre ) |
RENCONTRE AVEC Pascal MATHIEU PASCAL MATHIEU ! Peut être ce nom vous est-il encore inconnu ? Pourtant ce chanteur Bisontin est considéré comme un Auteur majeur par la profession . Il vient de sortir son album « Sans motif apparent » et il nous a "enchanté", lors des dernières « Rencontres Marc ROBINE » de Blanzat où il chantait en co-plateau avec ENZO . C'est avec gentillesse qu'il a bien voulu répondre à quelques questions de 3-2-1-chansons . Pascal, c'est surtout à l'auteur que je m'adresse aujourd'hui . Te souviens-tu de l'écriture de ta première chanson ? Et depuis .......combien en as-tu écrites ? Je me souviens de ma toute première chanson, écrite quand j'étais interne au lycée. J'avais seize ans. C'était navrant, paroles et musique. Les chansons suivantes ne valaient pas grand chose non plus. Puis j'ai laissé tomber la guitare. J'ai rencontré des musiciens et là je me suis mis à écrire vraiment des textes, à me creuser la tête. Et à les chanter. C'était au début des années quatre-vingt. Depuis, en ne comptant que celles qui ont été enregistrées sur des disques, tous interprètes confondus, j'arrive à un peu plus d'une centaine...Plus celles qui ont été jouées sur scène mais jamais enregistrées. Et dans tout ça aucun tube...Bon en même temps ça n'a jamais été le but. Comment pratiques-tu.......as-tu une méthode de travail ? As-tu un ordre bien défini , paroles puis musique ? La rythmique et la mélodie te « trottent »-elles ensemble dans la tête ? Je suis seulement parolier, donc pour moi tout commence par le texte. Depuis que je maîtrise le copier coller sur l'ordinateur, ma méthode a changé. La partie manuscrite s'est réduite à la seule collecte d'idées qui arrivent à l'improviste. Je les rassemble ensuite dans un fichier appelé « mots orphelins » où se côtoient pêle-mêle des débuts de choses, des embryons de jeux de mots, des fragments de toute nature. C'est comme une banque de mots, sur une cinquantaine de pages...J'y rajoute également au fur et à mesure ce qu'il y a d'exploitable dans toutes les fausses pistes que j'ai suivies. Bref je ne jette rien et ce « magma » s'auto-alimente. Parallèlement j'ai toujours en chantier une trentaine de textes, à des états divers d'avancement. Tous les jours ou presque, je me replonge au moins deux heures dans tout ça, souvent la nuit, et je vois ce que je peux faire avancer....De temps en temps un texte se termine. Je le teste en le chantant sur quelques accords de ukulélé, je vois tout de suite si ça sonne ou pas. Après bien sûr je confie tout ça à de vrais musiciens. Quand j'écris pour d'autres interprètes, j'essaie d'abord de comprendre où je dois aller, ça nécessite un genre de profilage. Je fais aussi appel à ma banque de mots. Après c'est beaucoup de tâtonnements, il y a un petit côté pressage de citron. C'est assez rare en fait qu'un texte arrive facilement. Je confie ma première ébauche au compositeur, qui fait une proposition musicale, laquelle souvent disloque mon esquisse. Je retravaille ensuite pour que le texte colle, et soit bien fluide. Parfois on me fournit la musique avec le chant en « yaourt », c'est à la fois plus facile parce que l'univers sonore me permet de me faire mon film, et d'un autre côté je me retrouve bloqué dans une structure extrêmement rigide, avec laquelle je dois composer, c'est fastidieux mais j'aime bien. J'ai très souvent et à tout moment de la journée des fragments sur lesquels je travaille qui me trottent dans la tête...Ça peut me donner, vu de l'extérieur, un côté « pas vraiment là ». La page blanche te hante t-elle ? Non, dans la mesure où je me plonge dans ma banque de mots, en général je trouve l’extrémité d'un fil que je vais tirer. As-tu des périodes privilégiées pour écrire ? Peux-tu écrire à la demande ? J'écris tous les jours, du moins j'essaie...Des fois ça avance mieux que d'habitude, d'autres fois je fais du surplace...Je ne pourrais pas dire pourquoi. Mais je suis entêté. Je sais que je vais un jour ou l'autre trouver ce qui m'échappe pour l'instant. Les périodes d'écritures sont-elles exaltantes ou déprimantes ? Il y a quelque chose de masochiste dans la création, car mine de rien on va grattouiller bien loin, bien profond. Je me souviens d'un documentaire sur Colette où on lui demandait comment elle écrivait, et elle avait répondu : « -Avec beaucoup de peine. ». Allain Leprest m'a souvent dit que pour lui aussi, c'était « beaucoup de travail ». Et puis il y a comme le chante Louis Arti « l'instant où l'on trouve », qui est un plaisir supérieur encore à celui ressenti lors d'une rencontre réussie avec le public. Il m'arrive de bloquer pendant plusieurs mois sur deux vers pas à la hauteur, alors quand je trouve ! Si tu devais donner un seul conseil à un débutant parolier, ce serait lequel? De toujours se demander, en relisant ce qu'il vient d'écrire, ce qu'en penseraient ses auteurs préférés. Ta chanson préférée ? Il y en a des tonnes que j'aurais aimé écrire... « Coup de gueule » d'Hervé Christiani ou « joli foutoir » de Sarclo. Estimes-tu que la musique et les arrangements soient aussi importants que le texte ? Je ne suis pas compositeur et je pense que c'est la musique qui gagne, c'est le premier vecteur. Quel impact voudrais-tu que tes propres chansons aient auprès des gens ? Quelle est la mission de tes chansons ? Qu'elles fassent rire, émeuvent, qu'elles fasse résonance. Quel regard poses-tu sur la chanson française actuelle, son évolution , son avenir ? Peut-être a-t-on du mal à savoir ce qu'est la chanson française. Il y a celle de forme classique, la chanson d'auteur, considérée comme ringarde par les médias, et qui s'écoute assis procurant à l'auditeur un plaisir littéraire. Celle-ci, faute d'écho, a de plus en plus de mal à rencontrer son public. Et il y a aussi celle qui flirte avec les musiques actuelles...Ce que j'ai pu remarquer et qui me navre, c'est que des groupes avec des textes plus qu'intéressants les sacrifient en scène sur l'autel du divertissement, transformant leur spectacle en animation pour club de vacances, ne laissant aucune chance à l'amateur de textes d'entrer dans leur univers. Et maintenant que le public est habitué à sa gym, on passe pour un rabat joie si on ne souscrit pas à l'exercice. Y a t-il une question à laquelle tu aurais aimé répondre ....et que je ne t'ai pas posée ? Aucune ne me vient à l'esprit à cette seconde. Plus tard peut être. Merci Pascal pour ta disponibilité . |