RENCONTRE AVEC FLO ZINK |
Auteure, interprète et comédienne, Flo ZINK s'est formée à l'écriture de chansons auprès d'Allain LEPEST, Chantal GRIMM, IGNATUS et Claude LEMESLE . "Les Veilleurs de lune" est le nom de son 2 eme album mais aussi le nom de son concert-spectacle qui tourne actuellement dans toute la France . Allez découvrir sur scène cette artiste, vous ne serez pas déçu ! Ecoutez le conseil de Claude LEMESLE à propos de Flo : " Chaque fois que je suis allé l'applaudir, je me suis régalé. Je vous souhaite, si vous êtes en quête d'un instant de bonheur, d'en faire autant . Allez vite boire un coup sur le zinc de Flo, et à votre santé ". Pour la connaître un peu mieux, Flo a bien voulu répondre aux questions de 3-2-1-chansons : Te souviens-tu de l’écriture de ta 1ère chanson ? Et depuis… combien en as-tu écrites ? Oui, je m’en souviens bien. Elle s’appelait « Besoin d’enfance », et je l’ai écrite dans un cours de théâtre que j’ai fréquenté lorsque je suis arrivée à Paris. J’avais 25 ans, j’étais rongée par les doutes, je voulais poursuivre ma formation de comédienne et je m’étais inscrite à l’Ecole Charles Dullin. Un des professeurs nous a proposé un jour un exercice d’écriture avec une contrainte formelle, et sans y réfléchir j’ai écrit un texte de chanson que j’ai ensuite mis en musique avec les rudiments de guitare que j’étais en train d’acquérir. Ce moment d’écriture, ça m’a fait l’effet d’un 1er rdv. Alors ensuite, j’ai continué, et pendant une dizaine d’années, j’ai fréquenté divers ateliers d’écriture de chansons, dont ceux d’Allain Leprest, Chantal Grimm, Claude Lemesle, Ignatus…). J’ai donc accumulé une petite centaine de textes, mais tous ne sont pas devenus des chansons, loin de là. D’abord parce que beaucoup n’en valent pas la peine, je les considère plutôt plus comme des étapes de travail, et ensuite, comme j’ai vite compris que mes capacités musicales étaient limitées, et que j’aurais besoin des autres pour les musiques, j’attendais qu’un texte me plaise vraiment avant de le proposer à un compositeur. Environ 25 textes sont devenus des chansons Je crois qu’au départ, tu étais comédienne ! Qu’est ce qui t’a donné envie de venir à la chanson ? Quel rapport entretiens-tu avec ces deux formes artistiques ? Sont-elles complémentaires, voir indissociables ? La scène a toujours représenté pour moi un espace de liberté énorme et il y a une part de ma personnalité qui ne peut se révéler que sur scène, l’espace de tous les possibles. A la fois, ce n’est plus vraiment moi non plus, j’ai plutôt l’impression de me libérer de moi-même. C’est au cours d’un stage d’interprétation de chansons que le déclic s’est fait. Cela faisait 7 ans que j’écrivais des textes de chansons et que je prenais des cours de chant, et là, je me suis dit : « Mais pourquoi ne pas interpréter tes propres textes ? ». Et je me suis mise en quête de compositeurs. Ce qui me plaît beaucoup dans la chanson, c’est de pouvoir varier les registres, les personnages, les émotions, alors qu’au théâtre, on est souvent cantonné à un seul rôle. Bien-sûr, en chanson, parfois, il n’y a rien à jouer, il faut juste être soi-même et en partage avec le public, mais quand on aime la comédie, c’est délicieux de jouer un personnage, surtout si le public est réceptif à ce type de proposition, car ce qui compte avant tout, c’est la relation avec le public. La page blanche, tu connais ? Est-ce une angoisse pour l’auteure que tu es ? Oui, bien sûr, je connais et c’est angoissant parce que la page blanche vient vous rappeler que jamais rien n’est acquis. On peut écrire un jour un texte magnifique, et ensuite un texte tout raplapla, sans intérêt, avec des formules convenues. Et forcément, ça met en doute. Mais bon, j’imagine que ce doute là fait partie du processus créatif. As-tu des périodes privilégiées pour écrire ? Peux-tu écrire à la demande ? J’écris beaucoup (quasi exclusivement) sous la contrainte, c’est-à-dire dans des ateliers, ou alors pour des commandes. J’ai absolument besoin d’un cadre, spatial ou temporel, sinon rien ne se passe. Stravinsky disait : « L’inspiration, c’est comme les enfants, il faut la mettre au pot tous les matins ». Eh bien, chez moi, ça fonctionne un peu comme ça. L’inspiration, il faut que je la provoque. Lorsque je ne suis pas en atelier, alors je prends mes affaires (stylo, papiers, dictionnaires et boules quiès) et je vais écrire dans un café. Et là, je m’arrime à ma table et à ma patience avec la ferme volonté de ne pas flancher durant cette difficile étape de la feuille blanche, ce tâtonnement qui gribouille, rature, soupire… et puis à un moment donné, un fil se tisse, et c’est parti. Et sinon, j’ai toujours sur moi un petit carnet pour noter ce qui peut surgir, de mes pensées ou du monde qui m’entoure. Pour ne pas oublier les beaux cadeaux de l’instant et aussi parce qu’ils peuvent parfois devenir des points de départ Ecrire est-il vital pour toi ? Oui. Rétrospectivement, je me rends compte que l’écriture m’a toujours accompagnée dans la vie, sous des formes différentes : il y a eu tout d’abord les journaux intimes pendant la période de l’enfance et de l’adolescence comme « écriture refuge », puis les carnets de voyage car entre 25 et 35 ans, je suis beaucoup partie avec mon sac à dos à travers le monde, c’était alors une « écriture compagne » , ensuite il y a eu la traduction (suite à l’un de ces voyages, d’ailleurs) sorte d’ « écriture miroir » et enfin l’écriture de chansons, c’est à dire une « écriture poétique ». Les périodes d’écriture sont-elles exaltantes ou déprimantes ? C’est plutôt exaltant de faire naître un texte qui vous plaît. Et puis c’est mystérieux l’écriture… elle va souvent puiser aux sources de l’inconscient et l’on est parfois surpris de ce que l’on en ramène. Elle vous renseigne sur vous même, et vous oblige aussi à creuser votre rapport au monde Si tu devais donner un seul conseil à un débutant parolier, ce serait lequel ? Eh bien, ce serait de fréquenter des ateliers, ou de s’organiser des rendez-vous pour écrire à plusieurs, parce que cela apporte une discipline et que c’est très stimulant à la fois. On découvre d’autres façons d’écrire, d’autres propositions, cela permet d’avoir un regard critique sur son travail et de sortir parfois de son ronron. Mais bien entendu, ce conseil ne peut pas s’appliquer aux auteurs pour qui la solitude est indispensable. Ta chanson préférée ? C’est vraiment une question impossible, il y a tant de chansons magnifiques… me viennent à l’esprit « Un homme heureux » de W. Sheller, ou « Les Séparés », « Ce n’est rien » de Julien Clerc, « Les vacances au bord de la mer » de Jonasz… pardonne-moi mais je ne peux pas choisir. Par contre, je peux citer des chanteurs qui m’ont beaucoup marquée et dont les œuvres restent pour moi intemporelles car elles continuent de me faire vibrer : Souchon, Juliette, William Sheller, Julien Clerc, Véronique Sanson, Michel Jonasz. Plus récemment, les spectacles d’Amélie Les Crayons ont été chez moi un déclencheur pour faire le pas et monter mon 1er spectacle de chansons en 2011 Estimes-tu que la musique et les arrangements soient aussi importants que le texte ? Parle-nous de ta collaboration avec Fred Bobin. Eh bien, cela va peut être te surprendre pour quelqu’un qui est uniquement auteur, mais pour moi, la musique et les arrangements sont plus importants, parce que c’est ce qui nous arrive à l’oreille en premier, et c’est ce qui fait que l’on reste à écouter une chanson, même si on n’en comprend pas le texte. Bien-sûr, si en plus le texte est formidable, alors là, ça donne un petit miracle de chanson !!! Pour l’album « Les Veilleurs de lune », je ne me suis pas précipitée, cette fois-ci, j’ai attendu de rencontrer des chanteurs dont j’aimais vraiment les musiques pour les solliciter, et aussi avec qui je me sentais en confiance. Parmi eux, il y a eu Frédéric Bobin que j’ai rencontré un été lors d’un stage d’écriture dans le Vercors. Il était intervenant musicien et il a accepté de mettre en musique un 1er texte… Ca a tout de suite collé, et on a poursuivi ensuite la collaboration, entre Lyon et Paris. Cela a pris un peu de temps parce que Fred est très occupé et que nous n’habitons pas dans la même région, mais j’avais une telle admiration pour son travail, et je tenais tellement à cette collaboration que je trouvais que cela valait vraiment la peine d’être patiente. Ainsi, tout au long d’une même année, il y a eu un rdv pour chacune des chansons. Frédéric faisait des propositions musicales que nous validions (ou pas) ensemble, et les chansons se sont construites ainsi, en avançant tout doucement … mais sûrement. Ce qui était formidable, c’est que la magie a opéré à chaque fois : à la fin de chaque séance, nous avions une chanson qui nous plaisait beaucoup à tous les deux. Quel impact voudrais-tu que tes propres chansons aient auprès des gens ? Quelle est la mission de tes chansons ? Eh bien, disons que j’aimerais apporter ce que j’aime trouver chez les autres : un moment suspendu où l’on s’absente à soi-même pour partager un instant de communion, de ceux où l’on vibre ensemble et qui donnent du sens à nos existences, comme on se laisserait porter par un tableau ou un paysage. Pour moi, les chansons, ce sont comme des petits voyages : quand on est embarqué, on en revient nourri. Parle-moi de ton dernier CD « les Veilleurs de lune » ? Il est le fruit de nombreuses collaborations qui ont également été de très belles rencontres et qui ont fait sens pour moi dans mon cheminement artistique. Aussi, je suis heureuse que toutes ces énergies soient rassemblées dans ce 1er album, c’est comme une forme d’hommage. Claude Lemesle, dans un de ses ateliers, nous avait rappelé que : « Tout seul, on n’est pas assez », et ça, je ne l’ai jamais oublié ! C’est d’ailleurs pour rendre hommage à Fred Bobin, que j’ai choisi d’ouvrir l’album par un duo avec lui. C’est la chanson « Nous, les vieux rêves ». J’ai eu la chance aussi de pouvoir collaborer pour les musiques avec Mika Larrieu (de Bordeaux), que j’ai rencontré dans un stage en Ariège (lors de la dernière édition de Festiv’art, créé par Claude Fèvre). Et j’ai pu compter également sur la collaboration d’Une Femme Mariée dont je suis fan ! Nous avions partagé plusieurs co-plateaux ensemble et lui proposer des textes m’est apparu comme une évidence. J’étais très heureuse qu’elle accepte. Pour cette aventure du 1er album, c’est la rencontre avec Martial Bort, le musicien qui m’a accompagnée sur scène pendant 2 ans, qui a permis le déclic. Nous avions une grande confiance et une forte complicité, et un jour, j’ai découvert ses talents d’arrangeur. Alors, je lui ai confié les chansons. J’ai adoré toutes ses propositions. J’ai beaucoup d’admiration pour lui, non seulement pour son talent, mais aussi parce que, malgré le manque de moyens, il a trouvé des solutions pour tout : cet album est vraiment un « produit maison » comme on dit : Martial a bossé les arrangements en Corrèze dans la cave de son grand père et ensuite, on nous prêté un super micro et on a pu enregistrer ma voix dans mon appart à Paris avec la collaboration de tous les voisins de l’immeuble qui ont accepté de faire vœu de silence total pendant 2 jours. Comme il s’agissait d’un album en auto-production, j’ai bien sûr compté sur le soutien d’une centaine de souscripteurs que je remercie encore aujourd’hui… car sans eux, l’album n’aurait pas pu voir le jour. Et puis, Ignatus aussi a beaucoup compté par ses encouragements, son écoute à chaque étape de l’enregistrement, son aide, ses conseils… Depuis, Martial a dû quitter le projet pour pouvoir assurer les tournées avec Gauvain Sers qu’il accompagne désormais sur scène, et je me dis que j’ai eu de la chance que l’album ait pu se réaliser avec lui avant, pendant la période où il était encore disponible. Pour le livret auquel je tenais absolument car je rêvais d’un bel objet, j’ai fait appel à des amies illustratrices. Je leur ai demandé à chacune d’illustrer 2 chansons. Il s’agit de : Sylvie Bonnet, Anne Dickely, Laurence Gusching, Fanny Wattiaux et Agnès Lachard. Pour la pochette, j’ai gardé l’illustration d’une graphiste avec laquelle j’avais collaboré auparavant et qui s’appelle Pascale Evrard. Enfin, c’est Baptiste Bort, le frère de Martial, qui s’est chargé de la charte graphique pour créer une unité. Et pour n’oublier personne, c’est Cyril Poirier qui s’est chargé du mixage et du mastering. Quel regard poses-tu sur la chanson française actuelle, son évolution, son avenir ? Eh bien disons, que j’aimerais l’entendre davantage à la radio !! Cela me parait incroyable que certaines personnes ne connaissent pas encore le talent de Jeanne Cherhal par exemple… Sinon, je suis assez triste pour cette chanson « non médiatisée » dont je fais partie parce que beaucoup de petits lieux ferment et les changements politiques en cours ne présagent rien de bon pour l’avenir de la culture. La disparition ces derniers mois du Centre de la Chanson et du Limonaire… c’est quand même un choc ! Mais cela n’empêchera pas les chanteurs de continuer leur route, tant que l’envie de chanter sera là. D’ailleurs, je suis émerveillée de voir toutes les propositions de concerts qui existent chaque soir. Il suffit d’aller sur le site de « Qui chante ce soir » pour s’en rendre compte : http://quichantecesoir.com/ J’ai parlé de ces lieux qui disparaissent, mais il faut aussi évoquer ceux qui naissent grâce à des hommes et des femmes passionnés : sur Paris, ces dernières années, il y a eu la Blackroom d’Hexagone et La Passerelle. Alors, il y a encore un peu d’espoir…. Je voudrais aussi tirer mon chapeau à toutes ces associations qui continuent à soutenir avec ferveur cette chanson « pas connue » et organisent des concerts en maison, en appartement et dans des lieux parfois insolites. Sans oublier le travail des radios locales et de tous ceux qui comme toi, oeuvrent à la diffusion de la chanson à travers leur site, ou leur blog. Comment vois-tu le « futur » de Flo Zink ? Des projets sans doute … Tout d’abord, j’aimerais pouvoir tourner encore et le plus longtemps possible mon spectacle de chansons « Les veilleurs de lune » puisque j’ai eu la chance de rencontrer un nouveau musicien, Thomas David, avec qui, très vite, une belle complicité s’est nouée sur scène. Et puis, j’ai envie de me remettre à l’écriture de nouvelles chansons… Mais avant, je sens aussi que j’ai besoin d’aller un peu dans le monde pour me ressourcer car cette aventure de l’album a été très prenante. Je songe également à des reprises de chansons espagnoles et latino-américaines… mes 1ères amours. Y’a t’il une question à laquelle tu aurais aimé répondre et que je ne t’ai pas posée ? J’aurais bien aimé te parler du Parapluie Jukebox, crée en collaboration avec l’ingénieur : Philippe Cacheux. Mais peut-être vaut-il mieux laisser parler les images : https://www.youtube.com/watch?v=xZNLWCMa6_4 Merci pour cette interview et longue vie à 3-2-1 chansons !! |