RENCONTRE AVEC MICHEL BHULER.... Photo Anne Crété |
Te souviens-tu de l'écriture de ta première chanson ? Et depuis , combien en as-tu écrites ? Ma première chenson, je crois, s’appelait « Les gens de chez nous ». Je dois l’avoir écrite vers 1965. Elle parlait des gens de ma région (le Jura vaudois). Je me sentais le droit, puisque les chanteurs français parlent souvent de Paris, de parler de mes voisins et de mes paysages. Comment pratiques-tu.......as-tu une méthode de travail ? L’écriture.. c’est 98 % de travail, et 2% d’inspiration. Du moins dans mon cas. As-tu un ordre bien défini , paroles puis musique ? La rythmique et la mélodie te « trottent »-elles ensemble dans la tête ? Le plus souvent, les paroles viennent d’abord. Puis, en cours d’écriture, je commence à avoir une idée, vague, de la musique (le rythme, le genre : joyeux, triste). Lorsque les paroles sont terminées, je passe encore deux ou trois jours à peaufiner la musique. La page blanche te hante t-elle ? Pas la page blanche. Mais la page à moitié remplie, sur laquelle on ne sait plus quoi écrire, sur laquelle on bloque. Il arrive alors qu’on se dise qu’on n’a plus rien à dire, qu’on ne parviendra jamais plus à écrire une chanson. C’est un sentiment excessivement pénible, on est désespéré. As-tu des périodes privilégiées pour écrire ? Peux-tu écrire à la demande ? Non, pas de période privillégiée. Oui, il m’arrive d’écrire une chanson sur commande, pour tel ou tel événement. Ecrire est-il vital pour toi? Je voudrais laisser derrière moi un monde meilleur que celui que j’ai trouvé en arrivant (Ce n’est pas gagné !...) L’écriture, la chanson sont mes outils dans ce travail. En ce sens, on pourrait dire qu’écrire est pour moi important. Mais pas « vital » comme pourrait le dire un « poète (pouët pouët) » étherré (j’en connais) qui dirait, posant, et rejetant en arrière une mèche de cheveux : « Je ne peux pas passer un jour sans écrire... l’écriture, c’est ma vie... » Je puis parfaitement passer des jours heureux sans écrire une ligne. J’écris pour être utile. Et également, regardons les choses franchement, j’écris pour gagner ma vie. En Suisse, nous n’avons malheureusement pas de statut d’intermittent du spectacle (gardez et défendez fermement le vôtre !!!) : chez nous, si tu ne travailles pas (ou plutôt si tu ne produis pas), tu crèves. Les périodes d'écritures sont-elles exaltantes ou déprimantes ? On commence comme on aborderait un pays inconnu, avec appétit et curiosité. Puis vient une période de déprime (voir ci-dessus « la page blanche »). Puis souvent un immense bonheur. Si tu devais donner un seul conseil à un débutant parolier , ce serait lequel? Travaille. Ta chanson préférée ? Pour moi, la plus belle chanson de la langue française est « J’entends j’entends », poème de Louis Aragon, musique de Jean Ferrat. Juste derrière, il y en a deux mille autres. Te sens-tu plus Auteur que Compositeur ? Estimes-tu que la musique et les arrangements soient aussi importants que le texte ? Je suis plus auteur. Mais évidemment la mélodie, puis l’accompagnement, soutiennent et font vivre les paroles. On peut lire et comprendre mes textes (on peut lire et comprendre tous les textes de chansons). Mais la musique les rend plus séduisants. La musique, parfois, peut attirer l’attention dans un premier temps, tromper l’auditeur en quelque sorte. Puis cet auditeur ensuite se mettra à écouter et à aimer les paroles. La musique peut donc parfois être le cheval de Troie grâce auquel les paroles pénètrent dans le cerveau. Quel impact voudrais-tu que tes propres chansons aient auprès des gens ? Quelle est la mission de tes chansons ? Rien de plus à dire que ce qu’écrit Aragon, dans « J’entends j’entends » : « ...J’aurais tant aimé cependant / Gagner pour vous, pour moi perdant / Avoir été peut-être utile... » Que penses-tu de la mise à l'écart « médiatique » d'ACI comme toi ou d'autres de tes collègues comme Leprest , Bertin , Benin, Michèle Bernard par ex ! Lamenais disait : « Passer pour un idiot aux yeux d’un imbécile est une volupté de fin gourmet ». Les programmateurs de radios ou de télévisions, qui nous méprisent, sont pour la plupart des illetrés, des imbéciles et des ignares. Ne pas être respecté par ces gens-là est un compliment. Quel regard poses-tu sur la chanson française actuelle, son évolution , son avenir ? « De mon temps »... (Voilà que je parle comme un vieux !)... Quand j’étais jeune, donc, on chantait beaucoup et partout. Du moins en Suisse. En famille, entre copains, dans les bistros. C’était normal, c’était un moyen de communiquer et de communier. Aujourd’hui, plus personne ne chante, sauf peut-être dans sa salle de bains : allez essayer de chanter avec des copains dans un bistro, le patron appellera les flics. On pourrait donc dire que la chanson, dans nos pays, est morte. Y a t-il une question à laquelle tu aurais aimé répondre ....et que je ne t'ai pas posée ? Je déteste qu’on me pose des questions. (Je plaisante, bien entendu !!!) Merci Michel pour ta disponibilité et bonne route à toi ! |