JP   REGINAL

 

RENCONTRE

avec....

Jean-Pierre

REGINAL

               Depuis quand écris-tu et qui t'a donné l'envie d'écrire ?

J'écris officiellement depuis 1968, date à laquelle j'ai eu l'envie que la chanson devienne mon métier, mais l'envie de mots et de musiques me taraudait depuis l'enfance... Je suppose que la lecture m'a donné le goût du texte et la musique que j'écoutais beaucoup à la radio, le goût des mélodies. Mais ça n'est pas aussi simple, puisque la musique m'inspire les mots et que les mots me suggèrent des notes... Quelle angoisse !!! cette première question m'envoie déjà aux portes de la psychanalyse... On n'est pas sortis de l'auberge.
Comment pratiques-tu.......as-tu une méthode de travail ?
Pour écrire mes chansons, mon matériel de base est un crayon bien taillé régulièrement, une gomme (que j'utilise peu), une bonne réserve de feuilles vierges en attente d'orgasme, un piano (accordé et pas poussiéreux) et du café pas loin de la tasse.
Quant à la méthode elle consiste à me sortir du lit et à me mettre au travail, comme tous ceux qui le matin se jettent à l'eau, surtout lorsque l'eau est à la bonne température. En général, la mise en route est pénible, mais quand je trouve ma vitesse de croisière, ça n'est plus que du bonheur.
Où trouves-tu ton inspiration et quels sont tes thèmes préférés ?
Je ne sais pas encore bien répondre à cette question, malgré le temps qui passe et l'expérience acquise. Ce que je peux dire, c'est qu'après le point final, je me demande toujours par quel miracle j'ai pu sortir tout ça de moi... Mais heureusement, je sais que l'imaginaire est toujours fidèle au rendez vous et surtout lorsque j'ai l'impression de n'avoir strictement rien à dire... J'avais un prof de français qui nous disait à propos des compositions de rédaction : "Ne restez jamais devant une page blanche... Commencez à écrire quelque chose, presque n'importe quoi, car les mots entraînent d'autres mots et le départ viendra naturellement. Je continue depuis à appliquer cette méthode... et promis, ça marche. Il faut dire que j'ai un super piano pour ma mise en émotion et un très bon café du Guatémala... Il me semble quand même que l'inspiration est une mise en émotions et qu'il y a une évidente sensualité, dans sa correspondance avec le choix d'un stylo, d'un cadre d'écriture, (par exemple tourné vers la lumière d'une fenêtre ) etc...
Je n'ai pas de thème préféré, mais les couleurs de notre quotidien m'attirent, tout ce qui fait nos multiples ressemblances, car au bout du compte l'important est que chacun se retrouve un peu dans mes phantasmes et lorsque beaucoup plus tard la chanson nouvelle entre en scène, le public me fait savoir que le miroir fonctionne... Mais quoiqu'il en soit, tout s'écrit sur notre trame commune du temps qui passe...
Est-ce que ta gomme est un instrument utile pour écrire ?
Je me sers très rarement d'une gomme, mais en revanche je suis un désastreux consommateur de feuilles de papier. Les arbres me pardonneront-ils... Je recopie sans cesse mes nouvelles idées au propre et je remplis la corbeille de mes précédentes bavures, si bien que je ne peux conserver aucun brouillon...
As-tu un ordre bien défini,paroles puis musique ? La rythmique et la mélodie te « trottent »-elles déjà dans la tête ?
Pas d'ordre défini, d'ailleurs je ne supporte pas bien l'ordre, surtout au pluriel. Mes chansons se tricotent comme les mailles, à l'envers ou à l'endroit, sans accorder de privilège ni aux mots, ni aux notes de musique. Mes chansons, c'est un peu comme les disputes, on ne demande pas qui a commencé le premier, on réconcilie amoureusement les partenaires...

La page blanche te hante t-elle ?
L'angoisse de n'avoir rien à dire passe rapidement avec les premiers mots. Les maux passent avec les mots. C'est un peu comme en haut du plongeoir, on ne recule pas, on se jette à l'eau et le tour est joué...
As-tu des périodes privilégiées pour écrire ? Peux-tu écrire à la demande ?
Pour moi, il n'y a pas de période. Chaque saison à son charme. L' écriture est une décision volontaire, lorsque j'ai la nécessité d'offrir à ceux qui m'écoutent des chansons nouvelles, je dois alors absolument me mettre en écriture. J'aime bien me retrouver au pied du mur. Bien des surprises peuvent naître de l'urgence... J'aimerais aussi beaucoup écrire avec un feu de bois, mais malheureusement, chez moi je n'ai point de cheminée... Je dois donc me contenter du "feu sacré"...
Ecris tu pour d'autres ?
Ca m'est arrivé... et entre autres pour Annie Cordy qui m'a enregistré une chanson, dont le titre est « Super marché"...Elle est hyper sympa... (Annie Cordy aussi). Mon répertoire, en tout cas, est tout ouvert à ceux qui le souhaitent, car il faut que les chansons vivent, à travers d'autres sensibilités que la mienne. Et c'est surprenant et merveilleux de se redécouvrir au travers d'autres interprètes...
Ecrire est-il vital pour toi?
Ecrire est d'autant plus vital qu'un auteur qui n'écrit plus à toutes les chances d'être présumé mort.
Les périodes d'écritures sont-elles exaltantes ou déprimantes ?
Les moments créatifs sont toujours exaltants et dans tous les domaines de la création, je crois. C'est notre carburant. Mais on dit qu'il vaut mieux carburer au super, car la déprime vient plutôt avec le sentiment d'avoir raté son coup. Mais ce qui me semble formidable et spécifique à la chanson, à l'art de la scène, c'est qu'aucune oeuvre n'est jamais achevée et qu'elle continue à se fortifier, à s'épanouir grâce au public. C'est pour cela qu'il ne faut pas enregistrer une chanson trop tôt, tant qu'elle n'est pas passée par le filtre de tous ceux qui vous écoutent, dans le trou noir de la salle. Les chansons restent vivantes, car le spectacle est vivant.
Si tu devais donner un seul conseil à un débutant parolier, ce serait lequel ?
De prendre du bonheur à écrire ses premiers brouillons, car ce que l'on fait dans la joie ne peut jamais être foncièrement loupé.
Ta chanson préférée ?
Quand j'étais plus jeune, j'aimais bien "Au clair de la lune" chanté faux par ma maman... Et aujourd'hui il y en a tant et tant de si belles qui me filent le frisson... "Quand on n'a que l'amour" me semblerait aujourd'hui le meilleur raccourci pour répondre à cette difficile question.
Te sens-tu plus Auteur que Compositeur ? Estimes-tu que la musique et les arrangements soient aussi importants que le texte ?
Entre les deux mon coeur balance, comme aurait pu dire Nougaro. On ne peut pas séparer la rencontre intime d'un texte et d'une musique... C'est comme si tu disais, "t'aime mieux ton père, ou ta mère"... Et la plus belle réponse était " Moi, j'aime mieux le lard "...
Pour terminer, comment vois-tu l'avenir des ACI comme toi (ceux qui colportent la bonne chanson française) qui sont peu, pas ou mal reconnus ? Plus précisément un ACI comme toi peut-il vivre correctement de son Art aujourd'hui ?
Plus l'artiste a bon appétit et plus c'est difficile... Puisqu'il s'agit bien de vivre de son métier. Se loger, se nourrir, etc.. La grande majorité d'entre nous est obligée d'avoir plusieurs fonctions actives et rémunérées pour s'en sortir... je crains fort par exemple, que les " Assedic " ne disparaissent rapidement... Ce beau métier de bonheur devient peu à peu une peau de chagrin et comme toujours, seul l'acharnement de quelques uns peut protéger la vie artistique qui est l'oxygène de tous. C'est en quelque sorte une forme de lutte antipollution dont il s'agit. Et pour cela je garde une foi assez naïve en la nature humaine... C'est vrai qu'à titre personnel, j'ai toujours réussi à vivre de ce métier et ma fille Romane a dû croire que c'était facile, puisque comme moi elle a choisi de chanter... Et ça me ravit !!!
Y a t-il une question, à laquelle tu aurais aimé répondre et que je ne t'ai pas posée ?
Oui... J'aurais aimé que tu me demandes quel est mon fromage préféré, sachant que je commence en plus a faire un peu de cholestérol et je t'aurais répondu : «Un vrai St Nectaire fermier de la fromagerie du coin... »
Merci Jean-Pierre et bonne route.....
"Les mots s'en vont" de JP Réginal :

 
 



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